Plus du tiers de la production mondiale de poisson (en tonnage, pêche et aquaculture) est destinée à l’exportation (36 % en équivalent poids vif en 2014). L’internationalisation du marché progresse rapidement. Entre 1976 et 2010, les exportations mondiales sont passés de 8 milliards de dollars à 148 milliards de dollars USD en 2014, soit une augmentation à prix constants (corrigée de l’inflation) de 4,6 % par an. L’Amérique du Nord, l’Union européenne et le Japon sont les principaux importateurs nets de poisson tandis que la Chine, les pays en développement d'Asie, l’Amérique du Sud, et l’Océanie sont exportateurs nets. Une part croissante de la consommation de poisson des pays développés est couverte par des importations en provenance des pays en développement. (FAO, 2016)
En divers lieux, les prises des chalutiers industriels (nationaux ou étrangers) entrent en concurrence avec celles des pêcheurs artisanaux et favorisent l’épuisement des ressources. C’est ainsi que le mérou, surpêché, a pratiquement disparu du plat traditionnel sénégalais (riz, mérou et légumes). Les quelques mérous encore capturés partent vers l’exportation, tandis que les Sénégalais se contentent de sardinelles : des poissons plein d’arêtes, vivant dans les eaux de surface, qui sont pêchés par les pirogues locales et non par les chalutiers. De même, le chalutage de crevettes a rendu ces animaux rares dans les eaux sénégalaises. « On ne peut nier que la destruction des stocks d’Afrique de l’Ouest s’est produite principalement à cause de la demande de l’Europe, suivie de près par le Japon et Taïwan1. » Concernant l’Union européennne, Charles Clover dresse un lourd réquisitoire dans un ouvrage paru en 2004 :
« L’Union européenne n’a guère réussi à gérer le poisson dans ses propres eaux, mais elle est porteuse d’une forte tradition de pêche, et les pêcheurs savent s’organiser en groupes de pression. L’UE dépense donc 195 millions d’euros par an pour acheter des droits de pêche dans des mers lointaines, du cercle polaire arctique aux îles Malouines. Elle a signé un nouvel accord avec plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest, dont le Sénégal. Les bénéficiaires de ces contrats discutables, signés en toute discrétion, sont les chalutiers en eaux lointaines espagnols, français, italiens et grecs. Parmi les pays avec lesquels l’UE a signé des accords, se trouve l’Angola, où des millions de gens sont menacés de famine. [...] La pratique de la pêche dans les eaux des pays sujets à des troubles sociaux est un des tours favoris de la pêche européenne. Les thoniers espagnols et français pêchent régulièrement dans les eaux somaliennes. La Commission européenne a récemment renouvelé ses accords de pêche avec la Côte d’Ivoire, en proie à la guerre civile. [...] Pourquoi donc le Sénégal a-t-il signé ? Le docteur Gueye [directeur de la pêche pour le gouvernement sénégalais] dit que 64 millions d’euros était une jolie somme pour un pays pauvre. Le Sénégal a besoin d’écoles et d’hôpitaux [...] Les négociateurs de l’UE ont-ils lié pêche et aide ? C’est nettement l’impression que donnait le docteur Gueye2. »
Bibliographie
- FAO, 2016. La situation mondiale des pêches et de l'aquaculture.
1. Charles Clover, op. cit., p. 65.
2. C. Clover, op.cit., p. 61- 62.