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L'impact de la viande sur les humains, les animaux et l'environnement

Subventions pousse-au-crime et politiques irresponsables

Le 8 juin 2009 (Journée mondiale des océans), Pascal Lamy, directeur de l’OMC, a déclaré à propos de la menace d’épuisement des ressources halieutiques : « Pour avoir accordé chaque année au secteur de la pêche près de 16 milliards de dollars de subventions, les gouvernements ont leur part de responsabilité dans ce problème. À cause de ces aides, il y a plus de bateaux sur l’eau et moins de poissons dans la mer1. »
L’opacité et la multiplicité des formes d’aide à la pêche rendent les estimations difficiles. Ce qui est certain, c’est qu’elles représentent une part considérable de la valeur des prises (on trouve des chiffres allant de 15 à 25%), faisant de la pêche une des industries les plus subventionnées au monde. Que ce soit en réduisant les coûts ou en améliorant les recettes des entreprises, ces aides conduisent à maintenir l’activité de pêche à un niveau supérieur à ce qu’elle serait sans cela, alors que l’urgence est au contraire de mettre en place des politiques de réduction des quantités pêchées. Un autre effet de ces aides est d’accentuer l’inéquité entre les pêcheurs des pays pauvres et ceux des pays riches, facilitant le détournement des ressources halieutiques au profit des seconds. En effet, en tête du championnat des subventions, on trouve le Japon, suivi de l’Union européenne et des États-Unis2.
Parmi les subventions, celles qui abaissent le coût du carburant occupent une place notable : entre 4,2 et 8,5 milliards de dollars selon une étude d’Oceana3, combinant ainsi l’encouragement à capturer davantage d’animaux et l’incitation à gaspiller le pétrole.

La Commission européenne a dressé elle-même un état des lieux accablant de la politique des pêches dans l’Union dans un document publié le 22 avril 2009 :

« Si quelques flottes de pêche européennes sont rentables sans soutien public, la plupart connaissent des pertes ou de faibles profits. Ces maigres résultats s’expliquent par des surcapacités chroniques dont la surpêche est à la fois une cause et une conséquence : les flottes ont la capacité de pêcher beaucoup plus qu’on ne peut prélever sans compromettre la productivité future des stocks. Les réductions de capacité des dernières années n’ont pas suffi à rompre le cercle vicieux. [...] en moyenne, les flottes de pêche n’ont été réduites que de 2% par an, ce qui est largement compensé par les gains d’efficacité permis par le progrès technique (estimés à 2 à 3% par an). [...]
De fortes pressions politiques et économiques ont conduit les États membres à demander d’innombrables dérogations, exceptions et mesures spécifiques. [...]
Cette situation s’est développée dans un contexte de fort soutien financier public à l’industrie de la pêche, dont un des résultats a été de maintenir artificiellement la capacité de surpêche. Outre les aides directes du Fonds européen des pêches et les aides similaires au niveau de chaque pays, l’industrie bénéficie de nombre d’aides indirectes, la plus importante d’entre elles étant l’exemption des taxes sur le carburant. A la différence d’autres industries, la pêche bénéficie d’un accès gratuit à la ressource naturelle qu’elle exploite et on ne lui demande aucune contribution aux frais de gestion publics liés à son activité, par exemple le contrôle et la sécurité en mer. Dans plusieurs États membres, les estimations indiquent que les dépenses publiques pour la pêche dépassent la valeur des prises. Autrement dit, les citoyens européens paient deux fois le poisson : une fois quand ils l’achètent et une deuxième fois à travers leurs impôts. [...] La Commission considère que les faits précédents sont imputables à cinq principales failles structurelles :

  • un problème structurel de surcapacité ;
  • des objectifs politiques imprécis conduisant à un guidage insuffisant des décisions et de leur mise en application ;
  • un mode de prise de décision qui pousse à se focaliser sur le court terme ;
  • un cadre qui ne responsabilise pas assez l’industrie ;
  • un manque de volonté politique dans la mise en œuvre des mesures et une faible application de ces mesures par l’industrie4. »

La France compte parmi les pays de l’Union qui se préoccupent davantage d’aller dans le sens des attentes de l’industrie de la pêche que de veiller à la préservation des océans. « Si en théorie la Commission européenne peut exercer un contrôle effectif de la mise en œuvre des réglementations, dans la pratique, elle reste une affaire bien gardée des États qui, comme c’est le cas de la France, tolèrent les fraudes avec une complaisance impressionnante5. »

Interviewé par Ouest-France, Daniel Pauly, un des grands spécialistes mondiaux des ressources marines, livrait ces réflexions en février 2010 :

« On ne peut pas avoir des stocks en bon état et des pêcheries rentables en subventionnant la surpêche et en acceptant toutes les concessions que les pêcheurs demandent. C’est vrai à travers l’Europe et c’est encore plus vrai en France, car on n’a même plus les mots pour décrire ce qui se passe. Par exemple, dans le Grenelle de la mer, on avait de la peine à discuter des subventions parce que les professionnels qui étaient représentés ne voulaient pas qu’on utilise le mot "subventions", il fallait parler d’"ajustements" ou toutes sortes d’euphémismes. [...]
Les pêcheurs disent que les scientifiques se trompent toujours, et en plus, toujours de la même façon, en sous-estimant les stocks. C’est quand même un peu bizarre, non ? Combien y a-t-il de tonnes de poissons dans l’eau ? Les pêcheurs ne le savent pas. Les scientifiques, on peut leur reprocher des tas de choses, mais, en général, ils ne sont pas payés directement par l’industrie sur laquelle ils travaillent6. »

  1. OMC, « M. Lamy appelle à un accord de Doha pour favoriser une pêche durable », 8 juin 2009.
  2. Selon Clover, Surpêche, Dermapolis, 2008, p. 145. (Traduction d’un ouvrage dont l’édition originale anglaise date de 2004).
  3. « Les coûts économiques et environnementaux des subventions du carburant pour la pêche », Agritrade, décembre 2009.
  4. Commission of the European Communities, « Green Paper- Reform of the Common Fisheries Policy », 22 avril 2009, p. 7-8.
  5. Cury et Miserey, Une mer sans poissons, Calmann-Lévy, 2008, p. 174.
  6. « Un chercheur dénonce la surpêche », Ouest-France, 2 février 2010.
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