- Près de 800 millions d'humains souffrent de malnutrition
- 2/3 des terres agricoles dans le monde sont consacrées à l'élevage ou à la production d'aliments pour le bétail
- Une baisse de la production de viande entraînerait une baisse du cours mondial des denrées végétales
- Si les pays riches et émergents divisaient par deux leur consommation de viande, la ration calorique des habitants des pays en développement augmenterait et au moins 2,2 millions d'enfants échapperaient à la malnutrition chronique
La production animale actuelle passe de plus en plus des bovins et autres ruminants, qui broutent l’herbe et mangent du fourrage, aux porcs et aux volailles engraissés par des régimes alimentaires à base d’aliments concentrés, souvent importés d’autres régions du pays ou de l’étranger (OWD, 2019).
- La faim dans le monde
- L'élevage est un gaspillage des ressources
- L’effet de la production de viande sur les prix des denrées alimentaires
La faim dans le monde
795 millions d'humains sous-alimentés
La FAO estime à 795 millions le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde (FAO, FIDA et PAM, 2014), avec la répartition géographique ci-contre.
La malnutrition affecte un enfant sur trois dans les pays en développement. Elle réduit la résistance des enfants aux maladies, provoque des handicaps mentaux et physiques et accroît leur mortalité (World Hunger Education Service, 2013).
La faim diminue inégalement dans le monde
En novembre 1996, le sommet mondial pour l’alimentation tenu à Rome (FAO, 1996) proclamait la volonté des chefs d’Etat et de gouvernement rassemblés à cette occasion de réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées à l’horizon 2015. Cet objectif est d'ores et déjà atteint ou dépassé en Amérique Latine, en Asie du sud-est, en Asie de l'est et en Asie centrale, mais n'a pas été atteint dans les autres régions du monde. La situation s'est même fortement détériorée au Moyen-Orient ainsi qu'en Afrique centrale.
Les difficultés rencontrées dans la lutte contre la malnutrition sont nombreuses. L’utilisation des produits agricoles par le secteur de l'élevage constitue l’une d’entre elles.
L'élevage est un gaspillage de ressources
Une étude de la FAO (A. Mottet et al., 2017, p. 3) indique que les animaux sont de piètres convertisseurs d’énergie en alimentation humaine. Dans les pays occidentaux, la quantité de protéines végétales données en alimentation animale pour obtenir un kilo de protéines animales n'est pas avantageuse : il faut en moyenne 7 kg pour les bovins, 6 kg pour les poulets et les cochons, et de 3 kg pour les oeufs. Si l'on ne prend en compte que les aliments comestibles pour les humains et les tourteaux de soja, ce ratio baisse mais reste largement défavorable : il est de 5 pour le poulet, 4,4 pour les cochons et 2,8 pour les oeufs. Seuls les bovins voient leur ratio baisser aux alentours de 1 car ils sont nourris principalement avec du fourrage et des pâturages. La totalité du fourrage et une partie des pâturages restent un gaspillage de surface agricole puisqu'on pourrait cultiver des aliments directement à leur place.
Il s'ensuit qu'il faut beaucoup plus de terres agricoles pour produire de la viande que pour produire directement des céréales destinées à l'alimentation humaine en occident et donc en France. Dans les pays en développement, cette situation est moins claire et certains types d'élevage peuvent représenter un gain net de protéines et de calories, en utilisant des ressources non comestibles et des déchets alimentaires.
Les terres arables utilisées dans le monde
33 % des terres cultivables de la planète sont utilisées à produire l’alimentation des animaux d’élevage ; 26 % de la surface des terres émergées non couvertes par les glaces est employée pour le pâturage (FAO, 2006, p. 271).
Au total, ce sont 70 % des terres à usage agricole qui, directement ou indirectement, sont consacrées à l’élevage (FAO, 2006, p. xxi). Cela représente environ 30 % des terres émergées non couvertes par les glaces (FAO, 2006, p. 272).
Près de 85 % de la production mondiale de soja est destinée à l’alimentation animale (Oilseed&Grain, 2018). Tant les céréales que le soja sont des denrées hautement nutritives, directement consommables par les humains. Les affecter à l’alimentation animale constitue un détour de production particulièrement inefficace.
En France
Les terres agricoles françaises sont accaparées par les animaux d’élevage : un peu plus de 40 % des terres arables sont destinées à l’alimentation animale, que ce soit en prairies artificielles ou en cultures de plantes pour l’alimentation des animaux (Passion céréales, 2014, p. 10). L’alimentation animale est par exemple aujourd’hui le principal débouché industriel des céréales françaises : elle en consomme 10,2 millions de tonnes, ce qui représente la moitié des utilisations en France (Passion céréales, 2014, p. 21).
Par ailleurs, la France importe 5,4 millions de tonnes de soja par an : selon l'Observatoire de la Complexité Économique, 34 et 20 % du soja en grains proviennent respectivement du Brésil et du Paraguay, et 55 % des tourteaux sont importés du Brésil, contribuant ainsi à la déforestation en Amérique latine et aux problèmes sociaux liés au développement des grandes cultures intensives au détriment des petits paysans.
L’effet de la production de viande sur les prix des denrées alimentaires
Des économistes ont estimé le prix des denrées alimentaires en 2030 (Msangi & Rosegrant, 2012). Ils ont comparé un scénario où la demande de viande dans les pays développés (OCDE) diminue de 50 % par rapport à l'an 2000, avec un scénario où la Chine et le Brésil sont inclus dans cette diminution. Le modèle utilisé est l’International Model for Policy analysis of Agricultural Commodities and Trade (Rosegrant et al., 2012).
Dans ce second scénario, la baisse de la demande de viande dans les pays de l'OCDE, la Chine et le Brésil a pour conséquence :
- Une baisse grosso modo de moitié du prix des aliments d’origine animale, ce qui conduit à une augmentation de leur consommation dans les pays en voie de développement de 35 %. Mais globalement, la consommation de viande baisse tout de même de 20 %.
- La baisse de 20 % de la production mondiale de viande entraîne une baisse du prix de nombreux aliments d’origine végétale. Les prix du manioc et du blé baisse de 7 %, le prix des patates douces de 10 %, celui du maïs, de l’orge du sorgho, de l’avoine et du millet de 20 %, celui des tourteaux d’oléagineux (soja, tournesol, palme, etc.) de 21 %. La ration calorique par habitant augmente dans les pays du Tiers-Monde, notamment en Afrique subsaharienne (+81 calories par personne et par jour). Le nombre d’enfants en bas âge souffrant de malnutrition diminue de 2,2 millions.
Cette simulation indique que la production de viande a bien un impact négatif sur la sécurité alimentaire des humains les plus pauvres de la planète.
L’effet de la production de viande sur l'utilisation d'engrais azotés
L’alimentation est devenue l’un des enjeux majeurs du XXIe siècle. L'excès d'engrais, azotés et phosphatés notamment, peut engendrer de graves problèmes de pollution des sols et des nappes phréatiques. Des scientifiques du CNRS ont envisagé un scénario qui repose sur trois leviers (Billen, 2021)
:
- Le premier impliquerait un changement de régime alimentaire, avec une consommation moindre de produits animaux (-70% de viande, -50% de lait), ce qui permettrait de limiter l’élevage hors sol et de supprimer les importations d’aliments pour le bétail
- Le deuxième levier propose l’application des principes de l’agro-écologie, avec la généralisation de rotations de cultures longues et diversifiées intégrant des légumineuses fixatrices d’azote, ce qui permettrait de se passer des engrais azotés de synthèse comme des pesticides.
- Le dernier levier consisterait à rapprocher culture et élevage, souvent déconnectés et concentrés dans des régions ultra-spécialisées, pour un recyclage optimal des déjections animales
Bibliographie
- CNRS, Billen, G. et al., 2021, Reshaping the European agro-food system and closing its nitrogen cycle: The potential of combining dietary change, agroecology, and circularity, One Earth, 4,6, p.839-850
- FAO, 1996. Sommet mondial de l'alimentation, Rome, 13-17 novembre 1996.
- FAO, 2006. Livestock Long Shadow, Rome : Food and agriculture organisation of the United Nations.
- FAO, 2014. Le rôle de l’élevage dans la pollution des terres, de l’eau et de l’atmosphère, Rome : Food and agriculture organisation of the United Nations.
- FAO, FIDA et PAM, 2014. L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde 2014. Créer un environnement plus propice à la sécurité alimentaire et à la nutrition. Rome, FAO.
- Mottet A. et al., 2017 Livestock: On our plates or eating at our table? A new analysis of the feed/food debate
- Msangi S. and Rosegrant M., 2012. « Feeding the future’s changing diets : implications for agriculture markets, nutrition and policy », in : Shenggen Fan et Rajul Pandya-Lorch, Reshaping agriculture for nutrition and health, Washington : International Food Policy Research Institute.
- Oilseed & grain, 2017 « Soy facts », oilseedandgrain.com/.
- Our World in Data, 2019. Global meat production by livestock type
1961 to 2018 - Passion céréales, 2014. Des chiffres et des céréales : l'essentiel de la filière.
- Rosegrant, M.W. and the IMPACT Development Team, 2012. International Model for Policy Analysis of Agricultural Commodities and Trade (IMPACT): Model Description, International Food Policy Research Institute (IFPRI), Washington, D.C.
- World Hunger Education Service, 2013. 2013 World Hunger and Poverty Facts and Statistics, juillet 2013.